Faire impression













La série de Faire impression est constitué de 17 eaux fortes, à partir de 6 plaques gravées. Chaque tirage est composé de 2 plaques, pour rendre finalement le multiple unique. 
Impressions (détail), 2016, eau forte, 38x57 cm

Vues de l'exposition Partition dessinée, avec Anne-Sophie Duca, Maison Jean Chevolleau, Fontenay-le-Comte, 2016



 


    


    




















Dans le livre de gravures offert à Benjamin Fillon en 1861 par Octave de Rochebrune et conservé au Musée de Fontenay-le-Comte, le dos des pages est occupé par de multiples taches d'humidité ainsi que par des formes diaphanes qui sont le transfert de la page suivante. Ces images fantomatiques me parlent : état de conservation des oeuvres changeant avec le temps, leur transformation, apparition et disparition, présence et absence. Ces images sont une « impression » du temps.

Mon travail questionne la perception de l'image, notamment dans son rapport au temps, à l'histoire, et utilise pour cela le détail, les jeux de lumière et d'ombre. Mon projet consiste à retranscrire en gravure des tirages de Rochebrune. Le travail fait que l’impression finale devient son double en miroir. Mes gravures font écho aux plaques de cuivre que l’aquafortiste a fabriquées pour ses tirages il y a un plus d'un siècle. On traverse le temps et on rejoint « l’autre côté », l’origine de l’image.

A l'opposé de la permanence de la gravure, mes images d'ombre/lumière sont l'enregistrement d’un instant. J'extrais des formes des taches lumineuses et les utilise comme définition de zone de l’image à graver, c’est une manière de fragmenter et de brouiller. Cette union mêle les couches de temps entre le passé et le présent, le persistant et le passager, la mémoire et l’oubli. Comme si à travers ces taches lumineuses, on réussissait à voir, mais à voir quoi ? La gravure originale est retravaillée de manière à faire penser à une trame d'impression d’aujourd’hui.
Entre le fragment et les trames, la perception de l'architecture est difficile, la fonction d’origine de ces gravures qui servait à documenter un monument est complètement modifiée.

Je profite du caractère multiple de la gravure : chaque plaque peut produire plusieurs tirages identiques. Je superpose 2 plaques sur la même feuille, pour que le bord de la feuille soit le bord de l’image, et non un cadre dans le cadre. La superposition de plusieurs plaques sur le même tirage fera en sorte que, finalement, chaque tirage redevienne unique. La deuxième série de dessins sur papier millimétré est née en même temps que le projet de gravure. Les éléments fantomatiques qui se baladent entre les architectures ne sont que des taches de lumière extraites et isolées. Je considère ces dessins comme les négatifs des gravures malgré l’éloignement de leur aspect.
Mon manque d'expérience dans le domaine de la gravure fait que je me retrouve dans une illisibilité totale. Je me dois de travailler et penser « à l'envers » et en négatif pour concevoir les tirages et les dessins sur plaque vernie. Le dessin en pointillé a besoin de précision et minutie, sa réalisation me plonge dans des détails de l'ordre du millimètre et m'empêche de voir l’ensemble de l’image, à cela s'ajoute mon aveuglement dû à l’encrage de la plaque de zinc avec de l'encre argentée. Ironie du sort, moi qui demande au public de décrypter mes images -qui sont souvent difficile à percevoir-, je me retrouve prise à mon propre jeu : là, c'est moi qui ne vois rien jusqu’au bout !